[Tetedelinotte] La Marque du Destin

Essai de RP... sérieux dirons-nous... Je poste ici avant de me risquer à Baha. Si vous voulez commenter, n'hésitez pas. Par contre pas dans ce topic ^^ y a le post-it pour ça ^^ Voili voilou !

____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Prologue

La petite fille observait de sa cachette les événements qui se déroulaient sous ses yeux, et ce sans pour autant en saisir pleinement le sens. Elle avait échappé à la surveillance de sa nourrice et se trouvait désormais dans l'entrebâillement de la porte de la chambre de ses parents.
Elle ne voyait pas très bien ce qui se passait mais elle entendait. Elle entendait les cris de douleurs de sa mère, elle entendait son père pleurer, elle entendait les encouragements de la sage-femme.

Puis ce fut le silence. Un silence lourd, pesant. De ces silences que l'on ose briser malgré la gêne qu'ils suscitent.

Des pleurs de nourrisson vinrent déchirer ce silence mais très vite le nouveau-né fut emmené loin, dans une autre pièce, et le silence revint.

La sage-femme était passée devant la fillette sans même l'apercevoir, laissant ainsi la porte grande ouverte.
L'enfant s'avança, hésitante, puis plus fermement. Elle s'approcha du lit parental et vit alors son père assis près du lit, tête baissée. Les quelques soubresauts qui parcouraient son corps indiquèrent à sa fille qu'il pleurait. Dans le lit reposait sa mère, pâle, les yeux clos, des gouttelettes de sueurs perlant encore sur son visage, témoins de son effort. Le regard de la fillette tomba alors sur les draps. Ils en étaient couverts, il n'y avait que ça, partout, cette couleur, si vive, mais si morbide : le sang.
Dans la plus totale incompréhension, la petite fille contourna la lit, à l'opposé de là où se tenait son père, et grimpa près de sa mère. Elle l'appela doucement mais n'obtint aucune réponse. Elle recommença, encore et encore. Difficilement, petit à petit, la réalité chemina en elle et la frappa de plein fouet : jamais plus elle n'obtiendrait de réponse…

[...]

Le garçonnet regardait la scène qui se déroulait sous ses yeux sans savoir que faire. Mortifié de ne pouvoir venir en aide à la jeune fille mais trop apeuré pour bouger, il tremblait de tous ses membres mais ne savait réellement qui, de sa sœur ou de son adversaire, lui faisait le plus peur. Il pouvait lire sur son visage toute sa concentration et sa nervosité.

Depuis quelques secondes déjà Julia et son agresseur se jaugeaient du regard sans broncher, un silence étouffant les entourant.

C'est alors que tout se précipita. L'un d'eux avait esquissé un mouvement mais Julia avait été plus rapide. Elle fonça tête la première sur l'attaquant le frappant où elle pouvait. Elle se battait comme une fille mais avec l'ardeur et la volonté de n'importe quel garçon. C'est alors qu'inconsciemment la main qu'elle avait sur la poitrine de son attaquant devint brûlante. Il hurla de douleur tandis que Julia s'était statufiée, les yeux exorbités par la peur et l'ignorance de ce qui lui arrivait.

Tout se mit à tourner, chacun s'accrocha à ce qu'il put, une lumière aveuglante jaillit de la main de Julia. Son frère se recroquevilla sur lui-même et Julia fut projetée en arrière.

...

Lorsqu'elle reprit conscience Julia n'entendit que les sanglotements de Klaymore. Elle se releva et se précipita vers lui pour le rassurer. Regardant le ciel elle s'aperçut qu'il avait bientôt atteint son zénith. Ils devaient faire vite s'ils voulaient être à l'heure et ne pas se faire réprimander. Elle jeta un regard autour d'eux et aperçut celui qu'elle affrontait un moment plus tôt étendu sur le sol, immobile. Elle s'approcha prudemment et vit avec horreur qu'il avait les yeux révulsés. Ne sachant que faire elle prit son frère par le bras et tous deux coururent vers la demeure familiale pour demander de l'aide.

[...]

L'apprentissage

- J'en ai assez !

Une porte claqua violemment. Tous ceux présents, à quelque endroit qu'ils fussent, sursautèrent sans pour autant sembler surpris outre mesure. Ce genre de scène était devenue par trop fréquente ces derniers temps pour réellement déranger.

Dans l'aile ouest du château des Barani, deux hommes suspendirent leur conversation et levèrent les yeux. L'un d'eux, Keelan de Barani, secoua lentement la tête et poussa un léger soupir tandis que l'autre, Marcus Sylon, ami d'enfance et chef des armées de Keelan, esquissait un sourire qu'il s'empressa de réprimer. Tous deux connaissaient parfaitement l'origine de l'orage qui n'allait pas tarder à éclater.
Celui-ci s'incarna quelques secondes plus tard en la personne d'un vieux mage à la barbe et aux cheveux blancs et dont les habits amples mais richement parés trahissaient le haut rang. Tout en lui ne respirait que la rage et la colère mal contenues, mais c'est avec une déférence non feinte qu'il s'adressa à Keelan.

- Sire, fit-il en s'inclinant autant que le lui permettaient son âge et ses rhumatismes.

- Seigneur Samaron, que me vaut votre visite ? demanda Keelan, et ce bien qu'il connaisse d'avance la réponse.

- Sire, malgré tout le respect que je vous dois et que je vous porte… Pardonnez mon emportement mais… Je ne puis continuer ainsi. Ce n'est point faute de bonne volonté et de patience de ma part je vous assure, mais… mais… Il cherchait ses mots, hésitant, ne voulant pas paraître offensant envers son souverain. Sire, votre fille est, comment dire… Elle est…

Keelan sourit malgré lui. Il savait ce que voulait dire Samaron, mais le vieux ne pouvait prononcer le qualificatif peu flatteur sans l'insulter personnellement et directement.

- Je sais tout cela, coupa-t-il, mais c'est justement votre travail de gérer sa… fougue.

- C'est impossible ! s'écria le mage qui se reprit aussitôt. Je veux dire… Vous connaissez ma fidélité et mon dévouement envers votre famille. J'en ai vu des futurs souverains défiler devant mes yeux. Vous même Keelan, avez été mon élève. Mais de tous, elle est… elle est… Il baissa la voix et souffla : la pire.

Les paroles de Samaron tombèrent tel un couperet.

- Elle est douée, je ne peux le nier. Elle est appelée à accomplir de grandes choses, mais pour le moment elle est ingérable. Je ne peux plus m'en occuper Sire, conclut-il d'un air navré. Elle a épuisé les dernières forces que j'avais. A mon grand regret je me vois dans l'obligation de démissionner.

Keelan ne put que hocher la tête en signe d'assentiment à la requête du mage. Il connaissait sa fille et comprenait le découragement de Samaron. Ce dernier quitta le domaine sans s'attarder inutilement et Keelan congédia Marcus, remettant à plus tard leur conversation. Puis il fit appeler la cause de toute cette agitation.

Debout devant son miroir, à moitié dévêtue, Julia se contorsionnait tant bien que mal pour apercevoir les minuscules signes noirs qui tranchaient sur sa peau d'albâtre et qui lui parcouraient le dos.

Cela faisait maintenant cinq ans qu'elle assistait, impuissante, à leur apparition, cette dernière survenant toujours à la même date, celle du fameux jour où elle avait failli tuer un jeune garçon. Par chance il n'était pas mort. Mais pouvait-on réellement considérer comme une chance le fait d'être condamné à rester dans un état de catatonie irrémédiable jusqu'à la fin de ses jours ? Julia s'en voulait. Tout le monde s'était appliqué à lui expliquer clairement qu'elle n'était pas fautive, mais elle ne parvenait pas à l'admettre.

Personne, hormis son frère et sa gouvernante, n'avait eu vent de la présence de ces signes, et elle avait fait jurer à Klaymore et Mysie de n'en parler sous aucun prétexte. Si pour le moment elle ignorait leur réelle signification, elle avait sa propre interprétation qui la portait à les considérer comme une punition divine censée lui rappeler à chaque instant ce qui s'était passé.

Quelques coups discrets frappés à la porte de sa chambre la sortirent de sa rêverie. Elle se rhabilla à la hâte et ouvrit.

- Dis à mon père que j'arrive, ordonna-t-elle au jeune esclave venu la chercher.

Quelques minutes plus tard elle rejoignit Keelan dans son bureau. Comme elle s'y attendait, son humeur n'était pas des meilleures. Elle ne voyait que son dos mais à la raideur de sa posture elle sut immédiatement que cela n'augurait rien de bon. Elle se tint au milieu de la pièce, droite et muette.

- Julia ! tonna Keelan. Ton attitude me déçoit grandement…

Elle baissa la tête. Elle s'était préparée à tout sauf à ça. Décevoir son père était ce qui pouvait lui arriver de pire. Elle sentit les larmes monter malgré elle et tenta de les refouler. Elle ferma les yeux quelques secondes en se répétant inlassablement : "Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas…"

Keelan poussa un soupir et se tourna vers sa fille, sa plus grande fierté malgré les paroles dures qu'il venait de prononcer, mais aussi, à son plus grand désarroi, sa plus grande incompréhension.
L'épisode vieux de cinq ans l'avait imperceptiblement changée. Il se rappela la fillette de dix ans qu'elle était alors, il revit ses immenses yeux bleus emplis de terreur et il se rappela la peur qu'il avait lui-même éprouvée.
Il secoua la tête pour chasser ces terribles souvenirs et observa attentivement la jeune fille à l'air contrit qui se tenait devant lui. Samaron avait raison, elle avait tout pour faire un bon souverain. Son seul défaut et non des moindres était son tempérament de feu qui n'allait malheureusement pas en s'améliorant avec l'âge.

Depuis le malheureux incident, il avait fait venir les mages les plus connus et les plus respectés du royaume afin qu'elle apprenne à maîtriser le flux magique qui courait en elle. Cependant elle demeurait imperméable à toute tentative d'enseignement et rejetait en bloc tout ce qui avait de près ou de loin affaire avec la magie.

- Je vais être clair cette fois, reprit-il, le prochain mage que j'engagerai, et prie pour qu'il accède à ma requête, sera le dernier. C'est ta dernière chance. Si tu ne la saisis pas, je me verrai dans l'obligation de sévir. Me suis-je bien fait comprendre ?

Julia releva la tête. Elle savait parfaitement ce que son père entendait par "sévir". En effet, malgré son rang, tant que son père était le souverain de la Cité d'Imerallia, il avait droit de vie et de mort sur chaque être qui peuplait ses terres, y compris sur ses enfants. Il en était ainsi des Lois du royaume. Et même si Julia doutait que Keelan en vienne à prononcer la sentence ultime à son encontre, elle avait conscience qu'il pouvait malgré tout lui faire subir les pires châtiments. Aussi acquiesça-t-elle sans broncher.

Satisfait de sa réponse, Keelan lui fit signe qu'elle pouvait se retirer jusqu'au dîner. Lui avait à faire.

Le lendemain, à l'aube naissante, Mysie vint la réveiller pour la préparer. Son père l'attendait dans le salon Sud.

L'esprit encore un peu embrumé, elle rejoignit Keelan, lequel était déjà en compagnie d'un autre homme. Julia sut immédiatement qu'il s'agissait de son nouveau professeur, mais lorsqu'il se retourna, elle écarquilla les yeux de surprise en le reconnaissant.

- Illieran...

Le jeune homme esquissa un sourire un brin espiègle, et l'on pouvait lire dans ses yeux le plaisir sincère de voir Julia.

- Tête de linotte ! Ma foi tu as grandi !

Julia se renfrogna. Il était le seul à user de ce sobriquet qu'elle jugeait pour le moins ridicule et l'entendre à nouveau la renvoyait bien des années en arrière.

Du plus loin qu'elle se souvienne, Illieran avait toujours été là pour elle. C'était d'ailleurs grâce à lui que le garçonnet avait survécu. Cependant c'était également à la suite de cet incident qu'il avait brutalement disparu de sa vie sans aucune explication.

En l'observant attentivement, Julia vit qu'il n'avait pas changé. Il était toujours aussi séduisant, son sourire était toujours aussi charmeur et ses yeux gris étaient toujours aussi doux. Indiscutablement beau, Illieran semblait tout juste sortir de l'adolescence et seuls ses cheveux d'un blanc éclatant qu'il portait désormais très courts dépareillaient. Julia ignorait son âge exact mais elle se doutait qu'il devait comporter au moins trois chiffres et elle soupçonnait Illieran d'avoir choisi une apparence aussi jeune dans le seul but de mieux séduire la gente féminine.

- Alors c'est toi mon dernier recours ? lâcha-t-elle d'un ton sarcastique.

- Il semblerait… répondit-il d'un ton évasif.

Il échangea un regard entendu avec Keelan qui quitta la pièce en lançant à sa fille un regard qui en disait long.

Illieran s'installa sur le sofa et attendit que Julia en fasse de même pour reprendre la parole mais elle le devança :

- Ecoute Illi, je n'aime pas la magie et tout ce que tu pourras me dire n'y changera rien.

- Vraiment ? fit-il, ironique. Ses yeux, d'ordinaire amicaux, étaient devenus aussi tranchants et froids que de l'acier. Julia se raidit et comprit que leurs rapports seraient désormais différents. Tu en as combien exactement ? reprit-il.

Julia sut immédiatement qu'il parlait des signes dans son dos et fixa Illieran, trop stupéfaite pour répondre. Comment savait-il ? Qui le lui avait dit ? Klaymore ? Mysie ? Illieran avait toujours ce regard qui la glaçait malgré elle.

- Si tu veux que je n'entende pas aussi clairement tes pensées, aussi enfouies soient-elles, apprend à fermer totalement ton esprit. Alors ?

- Je l'ignore… une dizaine peut-être… Et non, je ne sais pas non plus ce qu'ils signifient.

- Très bien. Dans ce cas je te propose un marché. Ta collaboration contre mon savoir.

- C'est-à-dire ? demanda-t-elle l'air soupçonneux.

- C'est simple. Tu apprends la magie sans rechigner, sans faire de difficultés ni de scandale. Bref, tu me rends la tâche agréable, dit-il en souriant. En échange je t'aiderai à découvrir d'où viennent ces signes et ce qu'ils signifient… Qu'en penses-tu ?

Julia fit la moue, pesant le pour et le contre. Elle n'avait pas réellement le choix et le savait pertinemment. Elle accepta donc la proposition d'Illieran malgré ses réticences. Satisfait, celui-ci se mit à fouiller dans l'une des poches de sa large tunique.

- Tiens, ton cadeau, plaisanta-t-il.

Il lui tendit un collier au bout duquel se balançait doucement un pendentif richement travaillé. Julia n'avait jamais vu un bijou d'une telle beauté. Fin, à peine plus grand que le pouce d'un enfant, elle avait devant elle un saphir d'une pureté telle qu'il en était presque transparent. De multiples pierres colorées l'entouraient pour former un tout dont la simplicité contrastait harmonieusement avec la richesse des couleurs.

-Prends le, il te protégera, j'y ai mis un peu de ma magie. Il est bien plus puissant que le bracelet que tu portes déjà, précisa-t-il.

Julia resta muette et prit l'artefact. Elle remercia Illieran d'un sourire et attacha le bijou à son cou.

Ravi de la voir si conciliante, Illieran décida qu'il était temps de commencer la première leçon d'une longue série d'autres qui suivraient.

La Quête : Le Dernier Signe

"La marque du Diable… Tu es maudite… Tu apportes le malheur… Vas-t-en… Vas-t-en !"

Julia se réveilla en sursaut, la respiration courte, le cœur affolé. Elle fixa un point imaginaire dans la noirceur de la nuit. Elle resta immobile quelques minutes, les sens aux aguets, le temps de se calmer. Dans le lit voisin, elle entendait la respiration régulière et rassurante d'Illieran.

Cela faisait désormais deux ans qu'Illieran avait pris en charge l'enseignement de Julia. Comme convenu elle avait suivi ses conseils et ses ordres à la lettre sans trop de résistance, progressant étonnamment vite. Illieran lui-même disait parfois qu'elle ne tarderait pas à le surpasser.
L'apprentissage de la magie – entre autres – l'avait profondément changée. Si son caractère était toujours aussi bien trempé, son impulsivité avait peu à peu cédé la place à une pondération tout aussi dangereuse.
Sentant que le jour où il n'aurait plus à rien à lui enseigner ne tarderait pas, Illieran avait, au début d'une leçon, annoncé à Julia leur départ imminent. En effet, c'était son tour d'honorer sa part du marché et d'aider Julia à découvrir la signification des signes qui continuaient à apparaître sur son dos. C'est donc avec le strict nécessaire qu'ils étaient partis à la rencontre des plus grands shamans et nécromanciens. Malheureusement leurs recherches s'étaient jusque là révélées infructueuses.

Silencieusement Julia quitta la chambre. Elle fit quelques pas dans la nuit, toujours troublée. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait ce cauchemar et elle ignorait s'il fallait le prendre comme un avertissement, mais quelque chose lui dictait de rester sur ses gardes.

- Qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci, seule qui plus est ?

Julia sursauta et se retourna vivement, pointant une dague vers l'origine de la voix. En apercevant Illieran elle la baissa aussitôt et répondit d'une voix sourde :

- Seule mais armée. Ne me refais plus jamais ça !

Derrière l'agressivité dont elle faisait preuve Illieran décela son angoisse, ce qui le mit immédiatement en alerte.

- Julia que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

Voyant qu'elle s'apprêtait à l'envoyer sur les roses, il ajouta doucement :

- Tête de linotte, tu sais que tu peux tout me dire n'est-ce pas ?

Julia soupira. S'entendre appeler aussi familièrement la rassurait quelque peu.

- Il y a ce rêve que je fais depuis plusieurs nuits… *froncement de sourcils d'Illieran* J'ignore pourquoi… Il y a des gens que je ne connais pas, cette femme que je ne connais pas… Ces voix… Elles me disent toutes que je suis maudite, que… Je porte la "Marque du Diable". Sa voix se cassa malgré elle.

Illieran la prit dans ses bras pour la réconforter.

- Un nouveau signe est apparu dernièrement ?

- N… Non, j'ai vérifié ce matin et il n'y avait rien de plus.

- Alors attends demain et cesse de t'inquiéter… Sinon tu vas bientôt me rattraper en matière de cheveux blancs, ajouta-t-il d'un air malicieux.

Le lendemain ils quittèrent l'auberge dès l'aube pour rencontrer celui que l'on appelait Jergon L'Aveugle. Ils errèrent de longues heures avant d'arriver à destination, éreintés. Quand enfin ils se retrouvèrent face à lui, Julia ne put en croire ses yeux : contrairement à ce que pouvait laisser croire son nom, Jergon était en réalité une femme… Plus exactement la femme qui hantait les rêves de Julia…

Julia dévisageait stupidement la femme au visage parcheminé. Pétrifiée, elle était incapable du moindre mouvement, et encore moins d'émettre le plus petit son.

Si les yeux de Jergon avaient cessé de voir le monde extérieur, elle n'en percevait qu'avec plus d'acuité les secrets des âmes.
Elle tendit la main vers Julia et s'assombrit aussitôt. D'un ton impérieux elle intima à Illieran d'attendre dehors. Celui-ci s'apprêtait à refuser mais Julia secoua la tête pour l'en dissuader.
La porte se referma, laissant les deux femmes seules.

…

Julia ressortit quelques minutes plus tard, une sorte de canne à la main. L'entrevue n'avait pas été longue. Illieran lui jeta un œil interrogateur et s'alarma à sa mine sombre. Il ne lui posa pourtant pas les questions qui lui brûlaient les lèvres et ils se mirent en quête d'un quelconque endroit pour passer la nuit.
Ce n'est qu'après plusieurs heures de route que Julia se décida enfin à sortir de son mutisme.

- Un nouveau signe est apparu… Différent celui-là…

Et avant même qu'Illieran ne le lui demande, elle arrêta son cheval et souleva sa chevelure d'or. Là, sur la nuque, Illieran le vit.



Intrigué, il voulut savoir si Jergon lui en avait donné la signification mais elle secoua la tête en signe de dénégation.

- Elle… Elle m'a dit de rentrer… Que ce n'est pas en parcourant le monde dans tous les sens que j'obtiendrai des réponses…

- Et tu vas l'écouter ?

- Oui.

Illieran fut surpris de cette réponse. Julia obéissait rarement aux ordres, encore moins lorsqu'ils provenaient d'étrangers. Il tenta de pénétrer ses pensées mais elle avait progressé en ce domaine et il se heurta à un mur. Sentant cette tentative d'intrusion, Julia sourit, légèrement amusée et précisa :

- Ce qui s'est dit avec Jergon doit rester entre elle et moi… Pour le moment du moins… Elle dit que révéler ce que je sais désormais pourrait être…néfaste…

Elle se détourna, visiblement troublée. Illieran sentit un imperceptible changement en elle.

- Et ça ? demanda-t-il en désignant ce qui ressemblait à un bâton.

[i]Julia se saisit de l'objet et le tira d'un côté pour en découvrir une lame aussi fine qu'une gerbe de blé mais aussi tranchante qu'une simple épée. De quelques rapides mouvements Julia la fit chanter.

- Jergon a dit que j'en aurais besoin…

Puis elle fit signe qu'ils devaient reprendre la route. La nuit ne tarderait pas à venir.